DISCHARGE : Hear nothing see nothing say nothing (1982)

Formé en 1978 à Stoke (Angleterre) le groupe va se stabiliser aux débuts des 80’s autour de Kelvin « Cal » Morris (chant), Anthony « Bones » Roberts (guitare), Royston « Rainy » Wainwrigh (basse) et « Garry » Maloney (batterie). Après quelques 45 tours et un album déjà intéressant « Why » (1981) lequel contient déjà les prémices du style Discharge (mais pas encore totalement abouti), la formation va sortir en 1982 son œuvre majeure « Hear nothing, see nothing, say nothing » qui aujourd’hui encore reste une référence absolue du punk extrême.

Discharge est en effet l’un des fers de lance de la seconde vague du punk anglais avec GBH, Exploited, Chaos UK et Varukers du début des années 80 mais aussi le « créateur » de deux sous courants du punk assez proches d’ailleurs : le Crust et le D-Beat, ce dernier étant une référence directe au tempo si caractéristique de Discharge , la marque de fabrique du groupe en quelque sorte.
Cet album sorti en 1982 est un missile, une tuerie totale, un véritable rouleau compresseur mono rythmique, un bulldozer qui emporte tout sur son passage : 14 morceaux incendiaires, rapides, puissants, corrosifs et ravageurs. C’est du punk mais ça n’a plus grand chose à voir avec Buzzcocks, Wire ou Clash. Avec Discharge on est dans le punk nihiliste, proche de la fin du monde, la mélodie étant ouvertement reléguée au second plan.
Si les solos, stridents à souhait, paraissent faibles et laissent un peu à désirer ce n’est pas bien grave, tant ils sont courts et tant Bones le guitariste se rattrapent sur les riffs. Et puis ils participent en quelque sorte à cette atmosphère de dévastation post apocalyptique. On atteint un tel niveau de cataclysme, de souffrance, de désolation et de violence que 28 minutes suffisent largement.
Car bien que très différent des Ramones, Discharge reprend en quelque sorte le principe de base des new yorkais à savoir un riff simple et des paroles qui reviennent en boucle, hypnotique (on est loin des textes recherchés de Crass ou Dead Kennedys), une espèce de mono rythme ultra puissant (bourrin dirons les détracteurs… mais qui a prétendu que Discharge faisait dans la dentelle ? Personne !)

N’empêche qu’avec ses gros riffs titanesques, sa rythmique si particulière, sans relache, rapide et reconnaissable entre mille (notamment la batterie primitive et stratosphérique à la fois) , la voix hurlante de Cal, mi-saccadée mi-chaloupée, presque ondulée, qui s’incorpore à merveille, le tout donnant un tempo, une cadence si particulière, unique, ce style si singulier qu’on appellera plus tard le D-Beat, Discharge va révolutionner le punk et influencer des centaines de groupes aux quatre coins du monde.
On peut citer quelques uns des principaux titres, devenus des classiques : « The final blood bath », « Protest and survive » , « The blood runs red », « The nightmare  continues », « The possibility of life’s destruction »…mais tous les morceaux se valent et sont construits sur un moule similaire. Le rythme est généralement rapide mais Discharge sait parfois le ralentir sans nuire à la puissance (« Free speech for the dumb »).

« Hear nothing… » est incontestablement l’un des cinq albums majeurs de l’histoire du punk tellement majeur que d’autres groupes d’autres courants musicaux s’en réclameront, en premier lieu les grosses pointures du thrash metal (notamment Slayer et bien sûr Metallica, ces derniers reprenant régulièrement des morceaux de Discharge) et plus généralement des différents courant du « hardcore ». En écoutant les riffs du guitariste Bones sur cet album on comprend aisément pourquoi !

Discharge s’est bien entendu fait un nom également par ses textes et son imagerie : les paroles font dans le nihilisme morbide autour de la guerre, de la mort et de la destruction (mais peuvent parfois sur d’autres albums aborder d’autres thèmes), elles sont généralement très simples, réduites à leur strict minimum et répétées inlassablement pour mieux s’incruster dans nos têtes, collant ainsi parfaitement à la musique. Imagerie importante car elle fait partie du « mythe ». Une dénonciation des horreurs de la guerre poussée à un tel degré qu’on est pas loin du gore avec toutes les descriptions les plus réalistes et glauques.

Discharge n’a jamais été un groupe réellement politisé (davantage dans une posture avec les traditionnelles thématiques classiques du punk : antimilitarisme, anti-systeme, anti-autorité…que dans un réel engagement) mais certainement pas anarcho-punk comme on a pu l’écrire ; d’ailleurs eux et CRASS, malgré des idées pacifistes et quelques concerts en commun, ne s’appréciaient pas particulièrement.


44 ans après sa création, malgré quelques pauses durant les années 90’s, quelques égarements ratés vers le heavy metal (entre 1985 et la fin des eighties), des hauts et des bas, des années de disette et de nombreux changements de personnel, le groupe, toujours débout, revient à la lumière, tourne encore dans les milieux punk autogérés et continue d’enregistrer de bons albums pour notre plus grand plaisir (notamment « Discharge » sorti en 2002 avec Cal au chant mais celui-ci ne fera qu’un éphémère retour, il repartira en effet dès l’enregistrement fini et ne fera même pas la tournée et également le très bon « Disensitise » sorti en 2008 avec le chanteur des Varukers au micro). Paradoxalement alors que la formation a grandement influencé toute la scène thrash metal c’est désormais Discharge qui incorpore quelques éléments thrash dans leur punk, éléments qui s’intègrent parfaitement à leur musique tant les deux « écoles » sont finalement assez proches. Et Discharge s’en se renier arrive toujours à garder son son si reconnaissable et particulier.

Le groupe est même passé au Hellfest il y a quelques années : consécration méritée et ultime ou exécrable trahison ? Je vous laisse juger !

De toute façon qu’on aime ou pas le groupe, Discharge en tant que chef de file de la seconde vague du punk et par son influence aussi importante que celle d’un Clash ou d’un Ramones, est rentré à tout jamais parmi les légendes du punk. Un groupe méconnu du public certes mais culte dans un certain underground musical, qui a su créer son propre style et comme AC/DC, Motörhead ou Ramones, s’y tenir et le faire fructifier jusqu’à plus soif, quasiment sans en bouger d’un iota, devenant ainsi une sorte de référence ultime dans la scène punk underground jusqu’au-boutiste, tandis que la facette la plus commerciale de celui-ci (Offspring, Green Day, Sum41…) était récupérée par toute l’industrie du disque, les publicités et les grands festivals rock. Discharge jouant alors le rôle du gardien du temple et de l’orthodoxie originel. Un album qui ne plaira pas à tout le monde…et c’est tant mieux !

Cal, chanteur de Discharge en 1982







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