Au delà du blues partie 20

Vinyles rock The Clash 33 tours | eBay

Quelques jours plus tard , alors qu’il traversait les rues de Londres en espérant trouver une autre révolution sonore, Albert vit des policiers attroupés devant un hôtel. Arrivé près de cette foule curieuse, une vieille dame lui expliqua ce qui se passait.

  • Je surveillais ces voyous depuis un moment. Les punks sont le signe de la décadence de notre société…De mon temps ça ne se serait pas passé comme ça ! J’ai vu un documentaire sur ces punks à la télé. Le programme se nommait sado maso , violeurs et voleurs : enquête dans l’enfer punk. Le présentateur s’appelait Patrick Sel Delors , un homme cultivé et bien comme il faut. Je ne vous raconte pas la vulgarité et la violence de ces punks … Ce qui leur faudrait c’est une bonne guerre. Toujours est-il que , pas plus tard que ce matin , ces quatre zouaves se sont amusés à  attaquer des pigeons au lance-pierre. Quand j’ai vu ça, je me suis dépêchée d’appeler la police … Je ne suis pas pour la délation mais il y a des limites. Avec un peu de chance, ces dangereux individus finiront au trou. N’empêche … Quand on voit ce qu’on voit …Et qu’on entend ce qu’on entend … Ben on a bien raison de penser ce qu’on pense !

Au moment où son interlocutrice lança cette dernière tirade, les bobbies sortirent du bâtiment en compagnie des quatre « voyous » menottés. L’establishment anglais n’a pas encore compris que, loin de nuire aux musiciens qu’il harcelait, ce genre d’événement ne faisait que renforcer leur popularité. Les Stones ne furent jamais aussi adulés que quand Mick et Keith durent passer quelques heures en prison , comme si les rockers ne demandaient que ça. Pour le rock, la prison ressemble à une forme de consécration, elle rend sa révolte assez dangereuse pour mériter d’être éloignée de la société. Albert se dit alors que, si tirer sur des pigeons suffisait désormais pour se faire interpeler, les farces de l’ordre risquaient de passer la majeure partie de leur temps à aider la carrière des rockers à décoller.

Quand il reconnut notre héros, Joe Strummer lui fit signe de suivre le convoi. Albert se présenta alors au policier en prétendant être le frère d’un des prévenus, ce qui lui valut d’être menotté et embarqué avec les autres pour « complicité ». A peine entré dans le véhicule, le chauffeur se mit à éructer avec l’assurance du beauf jouissant de son petit pouvoir.

  • On va vous mater bande de sauvages ! Vous allez apprendre à respecter l’uniforme !
  • On a pas de problème avec l’uniforme mais avec les cons qui le portent !

Albert avait sorti cette réplique naturellement , il n’avait jamais compris que l’on puisse devoir le respect à ces hommes prétentieux , peu instruits , malhonnêtes. Si les dirigeants de nos pays occidentaux considèrent le maintien de l’ordre comme une fonction noble et honorable , pourquoi laissent ils systématiquement cette tache aux individus les plus primaires ? Mouché par notre ami, le flic eut au moins la sagesse de se taire durant le reste du trajet. Arrivé à Scotland Yard , on fit entrer les Clash et Albert dans une de ces salles obscures qui sont un passage obligé dans toutes les séries policières. En face d’eux, l’ « inspecteur » les toisait d’un air sévère, son regard amorphe lui donnant des airs de vache fixant l’horizon en mâchant de l’herbe.  

  • Vous savez pourquoi vous êtes là ?
  • Les pigeons ont porté plainte ?
  • C’est bien la première fois qu’un poulet protège un pigeon !
  • Tu déconnes ! Ces abrutis passent leur temps à ça … Le banquier les plume et les poulets les rassurent.

En entendant cette réponse devenue une discussion entre ses quatre prévenus , le commissaire tentait de paraître impassible , ce qui n’est pas très difficile quand on a un regard aussi vide. Il maintint un silence censé gêner ses interlocuteurs, ce qui sembla plutôt les amuser. Au bout d’un certain temps, un homme interpella le policier. Il sortit donc de la pièce obscure, avant d’annoncer rageusement :

  • Vous avez de la chance. L’avocat de votre maison de disque a obtenu la fin de la garde à vue ainsi que l’abandon des charges pesant sur vous.  
  • Merci pour la promenade !    

A la sortie du commissariat , Bernie Rhodes attendait les musiciens qu’il manageait dans une voiture prêtée par le label Columbia.

  • C’est qui lui ?
  • Un ami croisé quand j’assistais aux concerts des Sex pistols .
  • Bon montez. Columbia nous a réservé une salle pour l’enregistrement de votre premier album.

Dans la voiture, la radio diffusait White riot , le premier 45 tours du groupe.

Alors que le punk s’effondrait, les Clash étaient les derniers guérilleros capables de défendre ce qu’il restait de cette barricade.    

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