Johnny Cash 16 : Johnny Cash sing the song of the true west

C’était une époque sauvage et cruelle, glorieuse et tragique. Ce temps-là, Cash l’évoqua à travers un road trip ferroviaire, pleura ses drames en relatant l’histoire des indiens d’Amérique. Johnny Cash sing the song of the true west complète ce portrait historique en se penchant sur l’histoire des iconiques cow boys. Citoyens d’un pays aux institutions encore fragiles, hommes mâles protégés par des lois rarement appliquées et un gouvernement balbutiant, ces pionniers ne durent souvent leur survie qu’à leur talent de tireur. Les plus futiles conflits pouvaient alors vous mener au tombeau, de pauvres paysans furent assassinés dans des ranches isolés, des vagabonds furent condamnés à la potence pour des motifs plus ou moins légitimes.

L’Amérique fut une terre de liberté, une liberté pouvant se payer au prix fort. Tout homme réellement libre doit accepter le risque qu’il prend, car être libre c’est aussi lutter pour sa survie. Les cow boys vécurent dans un danger permanent , c’est aussi ce danger qui fit leur fierté et leur indépendance. Dans les saloons, ces hommes vantaient les mérites des grands hors la loi et des plus rapides pistoleros, jouaient leurs maigres économies au poker. Une foule d’ivrognes, de notables et de cow boys discutèrent ainsi du shérif venant de se faire descendre, d’un autre ayant arrêté de redoutables bandits, du dernier braquage de banque, des drames et des grands évènements ayant marqué la ville.

Quand Cash s’apprête à raconter ces histoires, la pop moderne semble très éloignée de ses préoccupations historiques. En Angleterre, le rock se complexifie , les Beatles commençant leurs expérimentations sonores sur l’incontournable Rubber soul. Aux Etats Unis, malgrè les quolibets des puristes du folk, Dylan initia le folk rock sur Highway 61 revisited. Encore une fois, Cash nagea à contre-courant, continua de célébrer le passé à une époque vénérant la modernité. Columbia tenta bien de pousser son countryman dans une direction moins iconoclaste, insista sur le suicide commercial que représentait un tel projet. Mais Cash n’a que faire de ces basses préoccupations mercantiles, il bâtit une légende et non une carrière. Le succès des albums précédents lui permit d’imposer ses vues et son histoire de l’ouest fut gravée sur un double album.

L’auditeur retrouve donc ici cette voix semblant revenue d’une époque crépusculaire , ces récits que l’on croiraient contés par l’âme de l’Amérique. L’accompagnement de cette voix est d’abord réduit à un harmonica introduisant les arpèges d’une guitare douce comme une harpe. Tel Homère déclamant ses récits épiques, Hiwatha’s vision place Cash dans le costume du poète honorant d’illustres personnages. Le banjo de The road to Kentucky apporte un peu de légèreté à cette histoire de l’ouest, nous plonge dans ces moments où les familles oubliaient la dureté de leur vie en communiant autour de chants traditionnels. The shifting , whispering sand a le lyrisme d’un générique de western italien , ses violons et chœurs grandiloquents sont aussi apaisants qu’une sieste sur la terrasse d’un saloon. Puis une tension s’installe et monte crescendo, deux pistoleros sont face à face et les passants réfugiés chez eux se demandent lequel tirera plus vite que l’autre.  La guitare marque un rythme monotone, les chœurs posent une ambiance dramatique, un des opposants vit ici ses dernières heures.

Quand ces pauvres diables ne trépassaient pas pour défendre leur honneur, ils jouèrent leur avenir dans ces lieux où certains déterraient de l’or. Cet album raconte aussi l’histoire de ces hommes sur une ballade exprimant leurs espoirs et leurs déceptions. Personne ne fut à l’abri de la mort dans ce Far west , même pas ce bon vieux président Garfield, qui fut abattu en pleine rue par un hors la loi de passage. Des chœurs hystériques saluent la mémoire du défunt, un tempo frénétique exprime l’angoisse des citoyens. L’ouest sauvage dépeint ici, c’est cette terre où les hommes s’entretuent pour une poignée de dollars, où la liberté est synonyme de bonheur autant que de mort.

Des tambours de Johnny Reb au banjo de A letter from home , du drame de Oh bury me not à la nostalgie  plus légère de Betsy from pike, cet album restitue les joies et les peines d’un peuple qui fit rêver le monde. Caché dans ce récit d’une rare cohérence, on trouve quelques perles n’ayant rien à envier aux plus grands tubes de Cash. Il y a d’abord 25 minutes to go , blues de condamné à mort décomptant le temps qui lui reste à vivre. Les geôliers lui apportent son dernier repas et il décompte. La ville se rassemble pour assister à l’exécution et il décompte. Des vautours se posent sur la branche qui va le soutenir pour être aux premières loges et il décompte. Le shérif lui met une corde en guise de dernière cravate et il décompte. On tape sur les fesses du canasson, la corde se tend, un fruit étrange pend désormais au bout de la branche de cet arbre. Ce décompte est soutenu par un swing gravant ce refrain tragique dans la tête de l’auditeur, qui pourrait presque le chanter comme une bluette romantique.

Vient ensuite Sam Hall, cri de guerre d’un bandit sanguinaire porté par une mélodie de juke box que l’on aurait pu entendre dans Sabata , quand Lee Van Cleef lance une pièce dans une de ces machines. Johnny Cash sing the song of the true west se savoure comme un bon western, émerveille tous ceux dont une partie de l’imaginaire fut forgé par des films comme La prisonnière du désert ou Le bon, la brute et le truand. Cet album conte l’histoire d’hommes qui, partis de rien, allaient construire un pays. La liberté poussa certains au crime, condamna d’autres à la misère, les pionniers ne durent leur survie qu’à leur intelligence ou leur habileté de tireur.

Artistiquement , Johnny Cash sing the song of the true west est une réussite , le public ne fut malheureusement pas au rendez-vous. L’album finit bien vite dans les bacs à soldes, accompagné par tous les 45 tours qui en furent extraits.

A la fin de cette œuvre, Cash conclut son récit en affirmant que cet histoire aurait pu dégénérer, que la terre de la liberté aurait pu devenir une anarchie infernale. La carrière de l’homme en noir aurait elle aussi put dégénérer après cet album, qui marque la fin d’un certain âge d’or.                     

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