Johnny Cash 10 : The sound of Johnny Cash

Johnny Cash - The Sound Of Johnny Cash [Columbia Limited Edition] (Vinyl  LP) - Amoeba Music

Johnny Cash passa une soirée au Gaslight , club légendaire de New York . Dédié au folk, le café offrait sa scène aux vagabonds ayant quelques histoires à chanter, aux poètes posant leur prose sur des mélodies à trois accords. La salle semblait plantée là depuis des décennies , de vieux portraits saluaient la mémoires d’illustres inconnus, , la « scène » ne fut qu’un petit espace vide au fond de la pièce. Cash prit place dans ce lieu rassurant, demanda un verre de Jack Daniels , avant de regarder le héros de la soirée prendre place. Le gamin avait sans doute une petite vingtaine d’années, à moins que la rondeur de son visage poupin ne le fit paraitre plus jeune que son âge. Une chose était sûre, il n’avait pas l’allure d’un homme. Bob Dylan sembla voir la scène comme une corvée, une partie de son art qu’il effectuait difficilement. Le jeune chanteur plaqua ses premiers accords en bougeant avec la raideur d’un pantin désarticulé, puis vinrent ses premiers mots.

Dylan n’était pas encore le poète vénéré par une bonne partie de sa génération, mais il avait le don de faire résonner ses refrains comme de grandes prophéties. Cet art ne s’apprend pas, il faut juste avoir suffisamment vécu pour que vos récits prennent une dimension universelle. A la fin de cette prestation, Cash rencontra Dylan pour la première fois, ce qui fut le point de départ d’une longue correspondance épistolaire. De retour dans sa chambre d’hôtel, Cash appela le patron de Columbia pour lui dire « Un gamin joue en ce moment au Gaslight de New York . Tu devrais le signer avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. »

Cette rencontre aida sans doute le grand Bob à percer, elle eut également une influence sur la carrière de son parrain. La photo de ce Sound of Johnny Cash , sorti peu de temps après cette rencontre , annonce d’entrée la couleur. C’est à cette époque que notre homme déclarera «  je m’habille en noir pour les pauvres et les laissés pour compte. » C’est leur histoire que notre homme raconte au fil de ses chansons, il exprime la simplicité de leurs joies et la profondeur de leurs peines. Reprenant le rôle de conteur cher aux chanteurs folk, qui n’eurent toutefois pas la chance d’être accompagnés par le trio Luther Perkins , Marshall Grandt , Floyd Kramer, Cash devient ici l’autre face de la musique popularisée par Woody Guthrie.

Au piano, Kramer fait des merveilles sur I’ll forget more that you’ll ever know. La valse raffinée de ses notes met bien en valeur le slow d’amant abandonné que Cash chante d’une voix bouleversante. Luther Perkins brille d’avantage sur You remember me , où son riff agité montre que la frontière entre la country et le rock n roll est parfois bien mince. Ses riffs réguliers savent aussi se poser sur des tempos plus rustiques, sa guitare chante alors un air délicieusement monotone venu des campagnes. Quand Cash finit par reprendre In them old cottonfield back home , il sonne d’autant plus juste que l’histoire écrite par Leadbelly est un peu la sienne. C’est d’ailleurs la dureté de cette vie paysanne qui le poussa à se faire le porte voix de l’Amérique profonde.  

L’ombre de la prison plane au-dessus des personnages de Lost in the desert et In the jailhouse now , elle deviendra vite un des sujet de prédilection de l’homme en noir. Cash ne célèbre pas l’emprisonnement comme le firent certains rockers, mais en fait le symbole de la misère humaine. La prison est la dernière étape de la déchéance d’un homme, elle symbolise le moment où il a touché le fond. Voilà pourquoi ces bagnes modernes font partie des récits Cashiens . Ils sont la punition de ceux qui , par faiblesse ou malhonnêteté , ne purent vivre le rêve américain.

Sur The sound of Johnny Cash , l’homme en noir chante pour les petites gens et ceux qui n’ont plus d’espoir. Dylan fut le poète d’une nouvelle utopie, Cash réconforta ceux qui n’avaient que peu de rêves parce qu’ils savaient que leur vie serait difficile. Le poète d’une jeunesse insouciante commençait ainsi sa carrière pendant que le porte-parole de l’Amérique profonde publiait un de ses meilleurs albums.           

Laisser un commentaire