Johnny Cash 23 : Hello I’m Johnny Cash

Regardez-les tous revenir au bercail la queue entre les jambes !

C’est une foule rêveuse brusquement réveillée par le cauchemar d’Altamont , de tristes utopistes ayant enfin compris que l’homme est avant tout un loup pour l’homme.  

Certes, les Hells angels furent payés en bière, l’alcool n’aidant pas à adoucir les mœurs un peu rude de ces sauvages. Certes, leurs précieuses montures furent massées devant la scène, comme s’ils cherchaient un alibi pour faire un carnage. Ce fut comme si tout eut été fait pour provoquer le drame, un saboteur du rêve hippie ne s’y serait pas mieux pris. Ces fous pensèrent que l’homme était bon par nature, que des années de civilisation lui avait permis de dompter ses instincts primaires. Les hippies prirent le miracle de Woodstock pour une preuve de cette théorie fumeuse, mais un miracle ne se reproduit jamais. L’affaire a donc dégénéré, les angels eurent l’impression qu’un spectateur brandissait un fusil et le massacrèrent à coups de poignard. C’est ainsi que, en plus de l’innocence de l’époque, cet illustre inconnu emporta tout un pan de la pop psychédélique dans la tombe.

Ce qui restait désormais du psychédélisme, c’était la violence paranoïaque de quelques groupes underground, un bombardement space rock annonçant l’invasion des conquérants du heavy blues. Les grands nom de la pop psychédélique suivirent le chemin dessiné par les Byrds sur Sweetheart of the rodeo , jouant cette musique qui fut détestée par une bonne part de leur public . Décrite d’abord comme une musique de beaufs réactionnaires, la country commença à séduire cette jeunesse qui lui avait tant craché dessus. 1970, c’est l’année où des membres du Jefferson airplane formèrent Hot tuna , où le Grateful dead publia les superbes Workinman’s dead et American beauty. Les pires freaks semblaient redescendre sur terre, même d’ex musiciens de Frank Zappa passèrent au country rock en créant Little feat.

Dans ce contexte, Cash fut comme un père amusé de voir ses fils revenir après l’avoir renié pendant des années. Plus que jamais, l’homme en noir vécut un nouvel âge d’or, il n’avait pourtant pas changé , il était toujours cet homme se présentant à son public d’un simple « Hello i’m Johnny Cash ». Hello I’m Johnny Cash , c’est d’ailleurs le titre de cet album , phrase historique gravée dans le marbre de l’histoire américaine. Hello I’m Johnny Cash nous dit-il donc. Hello I’m Johnny Cash , l’homme vous lançant le riff champêtre de Southwind comme une carte de visite. Les cuivres apportent un peu plus de chaleur à ce swing de paysan, le doom doom doom des premiers albums s’enrichit un peu sans devenir méconnaissable. Ce tempo, c’est le symbole des champs et un hommage aux paysans, c’est l’authenticité d’un homme viscéralement attaché à cette terre qui le fit grandir. Hello I’m Johnny Cash , celui qui examine le répertoire de ses contemporains tel un chercheur d’or penché au bord d’une rivière. Cette fois, la pépite se nomme The devil you pay , somptueuse folk de solitaire signé Kris Kristofferson.

Hello I’m Johnny Cash, l’homme qui trouva la femme qu’il aimera toute sa vie, celle qu’il invite à chanter avec lui pour remercier dieu pour ce merveilleux cadeau. A mother’s love est une ballade d’une simplicité envoutante, le genre de tendre bluette qui n’aurait pas fait tache sur Carry on with Johnny Cash and June Carter. Hello I’m Johnny Cash , celui qui vous transporte dans un western grâce à la mélodie de See ruby fall. Le piano swingue comme un vieux juke box , cette bonne vieille voix de baryton déclame ses récits romanesques. Hello I’m Johnny Cash , celui qui n’a besoin que de quelques arpèges pour sublimer le lyrisme gospel de route 1 box 144. Et je peux même vous refaire le coup sur Sing a traveling song , un artiste de mon calibre peut se répéter , le talent n’a pas besoin de formules révolutionnaires pour séduire. En parlant de vous refaire le coup, allez-vous cracher sur If I was a Carpenter sous prétexte que June a déjà chanté une fois sur ce disque ? De tels folk romantiques, on en écrit une petite dizaine par décennie, quand c’est une bonne période.

Hello I’m Johnny Cash , celui qui rappelle les grands hommes de Nashville en quelques accords , qui défend le mieux ses racines pour la simple raison qu’il ne les a jamais renié. Et le tempo trotte de nouveau comme un vieux cheval de trait, les chœurs pleins de joie de vivre célèbrent la grande Amérique rurale. Qu’aurais-je gagné en jouant autre chose ? Toute ma vie est contenue dans ces quelques accords et dans ces voix qui exultent. Hello I’m Johnny Cash , maitre de l’époque et icone éternelle du pays de la liberté. Regardez cette pochette, c’est la photo d’un homme au charisme immortel. Hello I’m Johnny Cash évoque tout ça et c’est déjà beaucoup.        

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