L’agora du swing 2 est en ligne

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« La bêtise c’est la mauvaise fée du monde. C’est de la fainéantise la bêtise, c’est se dire je vis et ça me suffit. » Jacques Brel

Et ça leur suffit désormais à tous, pauvre bétail gavé d’insignifiance. Ça leur suffit les séries netflix absconses, les émotions simples et facilement accessibles, la bonne conscience confortable et la sécurité même au prix de la liberté. Dans les rues, les visages sont fermés, les regards méfiants, la prison des pays dit libres est d’abord dans la tête de leur peuple. C’est qu’une noblesse de cultureux leur apprit la pensée autorisée, leur enfonça dans le crâne leur dogme entre deux publicités. Mais tout cela suffit à nos contemporains, se révolter risquerait de les plonger dans les ténèbres du doute et face au vertige de l’angoisse. Il manque pourtant quelque chose à ces gens, mais les curés de la psychologie moderne sont là pour faire de leurs illusions une barricade contre le doute libérateur. Notre malheureux pays est ainsi devenu le champion du monde de la consommation d’antidépresseurs, véritable hostie que le dogme psychologique fait avaler à des patients de plus en plus jeunes. Après avoir chassé le démon de la misère d’occident, le modernisme cherche désormais à éradiquer toute forme de souffrance. Le psy devient alors pareil aux policiers imaginés par K Dick dans Totall recall , il condamne le mal avant même qu’il n’ait eu le temps d’advenir, détruit les prémices d’un obstacle pour que l’homme ne puisse s’y mesurer. C’est ainsi qu’une chaîne suisse diffusa le témoignage d’un de ces faux médecins, qui prescrivait des méta bloquants pour soigner les peines de cœurs de ses patients . Poussant le matérialisme jusqu’à l’absurde, cet homme s’imagina que ralentir le rythme du cœur soignerait les maux de l’âme. Au-delà  du risque engendré par une telle initiative, ce genre d’initiative ne peut qu’être l’œuvre d’un esprit profondément malade, d’un bourreau caché sous le costume du sauveur.

Car l’homme est fait d’un matériau auquel seule la souffrance donne forme, l’en priver c’est le condamner à rester à l’état larvaire. L’originalité est source de souffrance, l’intelligence est source de souffrance, la sensibilité est source de souffrance. Doit-on pourtant bannir ces qualités de notre monde ? Doit-on décréter également la fin de l’imprévu, de la différence, du courage et du caractère ? Les mots tenant souvent lieux des vertus qui nous manquent, la différence semble aujourd’hui sacralisée et portée par tous tel un étendard. Il s’agit toutefois d’une différence de façade, d’une excentricité d’apparat, d’une folie de théâtre. Les cheveux bleuissent, les mots perdent leurs sens, les langues se mêlent pour mieux empêcher l’expression de la pensée. Et puis il existe également ces principes dévoyés, véritables dogmes sacrés d’une époque ne croyant plus en rien. « Lorsque l’on ne croit plus en dieu, on croit en n’importe quoi. »Dostoïevski. La déchristianisation de l’occident a ainsi multiplié les dieux, privée de canaux canalisateurs une angoisse de culs bénis qui se déverse désormais partout. Ecologisme décroissant, extrémisme LGBT ou alter mondialiste, misandrie féministe, le débat public est devenu un champ de mines dans lequel peu d’hommes osent encore s’aventurer. Parler librement aujourd’hui, c’est prendre le risque d’être déchiré par la meute, de perdre le respect de ses proches et la confiance de son employeur. Les lois suivant toujours les mœurs des citoyens, une série de projets de loi « contre la haine » viennent sans cesse rétrécir le champ de la parole autorisée.

Toutefois , le tribunal médiatique se montrant toujours plus rapide que l’institution officielle , les propos « déviants » seront toujours sanctionnés avant le procès. « Extrême droite » , « réactionnaire » , « propos nauséabonds » , ces adjectifs vidés de leurs sens sont les piloris sur lesquels la bien pensance cloue tout esprit réellement libre. Parfois, heureusement, cette inquisition échoue, le peuple tentant une courte sortie en dehors de son enclos sordide. C’est ainsi que, alors qu’il devait parrainer un événement nommé «printemps des poètes » , Sylvain Tesson dût faire face à une horde d’inconnues hystériques. Gageons que, si le port d’arme n’eut pas été interdit dans notre pays, l’un de ces justiciers d’opérette serait capable d’accomplir la même barbarie que le meurtrier de John Lennon. Tuer un grand artiste reste, même symboliquement, encore aujourd’hui, le seul moyen pour ce genre de nouveaux ou futurs inconnus de sortir des égouts de l’histoire. A force de ne pas être lus, les 600 insignifiants de la tribune anti Tesson publiée par l’aberration (libération pour les intimes) crurent sans doute que plus personne ne lisait. Sauf que Tesson est lu , plus lu qu’ils ne le seront jamais . Rappelons donc ici que le livre «  le camps des Saints » , que ces précieuses ridicules reprochent à Tesson d’avoir préfacé , fut écrit un an seulement après la naissance de l’auteur de « Sur les chemins noirs ». Tesson eut toutefois l’honneur de préfacer un recueil regroupant les plus beaux récits de voyage de Raspail.

On trouve d’ailleurs, dans ces deux pages d’introduction, un paragraphe si prémonitoire qu’il semble aujourd’hui répondre à la foule lyncheuse. « Son siècle , le 20e , le pire de tous , fut celui du nettoyage par le vide. Les dieux s’en sont retirés. « Tout doit disparaitre » semble avoir été le slogan du progrès. De ce spectacle tragique, à force de scruter le brouillard au cas où il s’y cacherait un vestige, Raspail a gardé un stigmate : deux très beaux yeux délavés, couleur bleu Baltique. Ils lui donnent le regard de ceux qui ont croisé des fantômes. » Un peu plus loin, Tesson précise que Raspail n’est ni un nostalgique aigri, ni le défenseur belliqueux d’une splendeur vacillante. Il nous invitait simplement à nous émerveiller devant la beauté des ruines, à régénérer nos âmes devant le spectacle grandiose de ce qui demeure. « Tout ce qui ne peut se traduire en terme mystique ne vaut pas la peine d’être vécu. » Disait Cioran.

Et qu’est-ce que le mystique si ce n’est la grandeur de ce qui a souffert pour s’élever, la splendeur d’un monument d’une époque passée, tous ces témoignages de la capacité qu’a l’homme de se dépasser lui-même. Tout cela, les signataires de la tribune de l’aberration ne peuvent le comprendre, eux qui ne sont que les serviteurs zélés du conformisme moderne. Pour l’instant, l’attaque portée contre Sylvain Tesson semble avoir raté sa cible, mais les épithètes infamants sont désormais placardés pour effrayer la masse. Il est à craindre que désormais, à chacun de ses passages face aux juges rouges de l’audiovisuel public, l’auteur de la panthère de neiges ne soit taxé d’écrivain réactionnaire. Le poison agit lentement mais il a fait ses preuves, c’est pourquoi il est plus que jamais urgent de partir comme lui rencontrer les fées. Prenant également la décision de partir se ressourcer auprès de ce qui demeure, le dossier de ce numéro s’attarde sur une œuvre mêlant la beauté simple de la littérature américaine et la fougue du rock n roll, celle de Bruce Springsteen . Le jazz déploiera également ses ailes dorées, écrivant ainsi un autre chapitre d’un numéro dédié aux beautés durables. La prison des occidentaux se situant surtout dans leurs esprits, l’agora du swing fait sienne cette phrase de La Boétie «  Soyez résolu à ne plus servir et vous voilà libre ».   

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