Introduction du dossier big big train

C’est un univers fait de romantisme moyenâgeux et de rêveries chevaleresques, un monde aussi inquiétant que merveilleux. C’est la rencontre de la puissance épique du rock anglais et du lyrisme des grands compositeurs européens, de récits homériques et de la beauté aventureuse de la pop des seventies. Le roi cramoisi était déjà descendu sur terre pour initier le mouvement, sa cour jouant une fanfare unissant le génie du jazz, du rock et de la musique classique. Symbole de cet univers rêveur et des décors parfois inquiétants qu’il contenait, le terme roi cramoisi aurait autrefois servit à qualifier Belzebuth. Malgré cette référence satanique, de futurs seigneurs prêtèrent vite allégeance au grand souverain. Il y eut d’abord les dandys de Yes , qui devinrent les représentants raffinés du rock symphonique avec l’excellent Close to the edge. Pendant ce temps, les mages d’Emerson Lake et Palmer perfectionnèrent leurs incantations futuristes.

Celles-ci trouvèrent finalement leur aboutissement sur l’album Brain salad surgery , véritable porte ouverte sur un monde robotique qu’aurait pu imaginer Isaac Asimov. Entre les mélodies alambiquées de Yes et la froideur inhumaine d’ELP , il restait une terre à conquérir. Cette terre était celle qui nourrit les légendes Arthuriennes et les grands récits Tolkenniens. A bord du vaisseau Genesis , lord Gabriel prit possession de ces territoires en 1972. Il arborait alors son masque de renard en guise de  couronne d’un nouveau royaume. Foxtrot fut l’aboutissement d’un processus enclenché par la symphonie du Sergent pepper. Œuvre totale, dont la pochette surréaliste annonçait l’univers musical, Foxtrot fut également la première pièce du grand théatre genesien. Sur disque comme sur scène, les rockers se mirent alors à embarquer l’auditeur dans des univers inconnus. Les prestations scéniques servaient alors à prolonger les récits surréalistes que Genesis proposait sur ses disques.

La musique du groupe se fit de plus en plus grandiloquente, le groupe jouant de véritables symphonies pop dans lesquelles évoluaient les personnages de Peter Gabriel , qui s’imposa comme le Pavarotti du rock progressif. Rendu hérétique par le nihilisme des punks et diminué par le départ de son chanteur iconique, le grand théâtre genesien ne fut ensuite que l’ombre de lui-même. Il fallut attendre 1985 pour que deux glorieuses troupes fassent à nouveau vibrer les murs du grand temple genesien. Il y eut d’abord Marillion, dont l’opéra rock Misplaced childhood dépoussiéra les gimmicks du groupe de Peter Gabriel à grands coups de synthétiseurs mélodieux. Vint ensuite IQ et leur album The wake , une adaptation plus traditionaliste du même héritage qui n’eut pas le même succès commercial. Malgré le relatif insuccès de IQ , le rock progressif sortit enfin des limbes dans lesquels l’avait fait plongé le nihilisme punk.

Beaucoup parlèrent alors de néo prog , comme si il existait une frontière infranchissable entre ces musiciens et les légendes qui les inspirèrent . Croire cela, c’est oublier que le royaume fondé par King crimson est un univers intemporel, que ses paysages sont comme une peinture que chaque génération élargit, en respectant le décor initié avant lui. Les virtuoses rock de Marillion et IQ , comme leur descendance , n’inventèrent rien. Ces musiciens perpétuaient un art qui existait avant eux, une fresque qui se tisse encore sous nos yeux émerveillés.

Big Big Train est l’héritier de cette histoire.

Bienvenue dans l’acte le plus récent de la grande pièce de théâtre genesienne.         

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